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Mehdia Salhaoui

Thérapeute familiale & conjugale

De L’attachement mère-enfant à l’attachement à l’âge adulte

Qu’est-ce que l’attachement ? 

Comment se construit-il ? 

Comment évolue t-il à l’âge adulte ?


Découvrez comment cela peut affecter le type d’attachement que nous recevons à l’âge adulte.

 

L’attachement est le processus développemental par lequel le bébé apprend à accepter la séparation avec sa mère, et parvient à se scinder, se différencier d’elle et intégrer qu’il est un individu à part entière. C’est le processus d’individuation-séparation, qui survient vers 6 mois, que l’enfant traverse avant d’acquérir les compétences d’autonomisation. Lors de ce processus, l’enfant a une relation privilégiée avec son donneur de soin, empreinte de disponibilité, de sensibilité, d’empathie et de bienveillance.

D’où vient la théorie de l’attachement ?

 

La théorie d’attachement a été étudié par le psychologue John Bowlby qui en est le fondateur, en s’intéressant aux enfants abandonnés, placés à l’orphelinat après la 2ème guerre mondiale. Ses travaux portaient sur les conséquences des séparations précoces mère-enfant, à une époque où on croyait fermement que donner de l’affection à un enfant, le rendait faible et fragile.

En se basant sur ces travaux, Mary Ainsworth est venue ensuite mettre au point 3 types d’attachement issus de l’étude expérimentale « la situation étrange » (1978) :

_Attachement sécure : L’enfant se sent en confiance pour explorer son environnement car il est rassuré par le fait que ses donneurs de soin seront disponibles en cas de besoin. Il développe de meilleures compétences sociales et émotionnelles.

_Attachement insécure : Il a des conséquences néfastes sur le développement socio-émotionnel de l’enfant. Il existe trois types d’attachement insécures.

*Evitant : L’enfant évite ses donneurs de soins. Il adopte une apparente indépendance, étant convaincu qu’il ne peut compter que sur lui-même.

*Ambivalent : L’enfant est incertain de la disponibilité de ses donneurs de soin. Il aura tendance à amplifier ses émotions négatives pour obtenir de l’attention, des difficultés à prendre des décisions ou des initiatives. Il doute de ses capacités en raison des émotions contradictoires qu’il ressent envers ses donneurs de soin.

Le 4ème type d’attachement est arrivé plus tard avec Mary Main et Kaplan (1991) :

*Désorganisé : Il se caractérise par des comportements contradictoires, désorientés, atypiques (ex : regards vides, gestes étranges), confus ou incohérents dans les interactions avec les donneurs de soin ou des réactions extrêmes. C’est une situation où les donneurs de soin présentent eux-mêmes des comportements effrayants ou de détresse (Smith,2021). L’alternance entre des attitudes de soutien et de rejet favorise le développement de ce modèle d’attachement chez l’enfant.

Les types d’attachement formés durant l’enfance, peuvent avoir des conséquences durables sur les relations futures, la confiance en soi, la gestion des émotions et la façon dont on interagit avec le monde. Le 4ème type est le plus néfaste pouvant donner lieu à des troubles dissociatifs ou de personnalité (Smith, 2021).

Comment cette théorie se présente sur le terrain ?

 

La préparation à l’accueil d’un enfant, lorsque ce dernier est voulu et attendu, se passe même bien avant sa conception. Les futurs parents se préparent psychologiquement à investir ce petit être qu’ils projettent, idéalement comme objet de leur amour. Ils sont enthousiastes et remplis de bonheur lorsqu’ils apprennent par le médecin la bonne nouvelle de la grossesse. Les deux futurs parents investissent la grossesse de la meilleure des façons. Le futur père est présent et attentionné, soutenant sa conjointe dans ses moments d’inquiétude. Ce processus idéal prédit déjà le type d’attachement qui se développera à la naissance de l’enfant. Il est accueilli dans la joie et le bonheur de ses parents qui lui démontrent cet amour à chaque instant. La mère est sensible aux besoins de son enfant. Elle est attentive et observatrice de son langage non-verbal (expressions vocales et faciales, regard, sourire). L’accordage affectif entre l’enfant et ses parents se crée à travers la réciprocité interactionnelle lorsqu’ils ont la capacité de décoder les signaux de leur enfant (Stern,1989).

Cet accordage harmonieux permet à l’enfant de se développer de façon sécure. Ces premières interactions précoces constituent la base fondatrice qui vont influer sur le développement et la personnalité de l’enfant sur le long terme. L’enfant est en mesure d’affronter les défis de la vie quotidienne en s’adaptant à son environnement. Les parents sont disponibles et en mesure de détecter ses besoins en y répondant de manière adaptée, empathique et bienveillante, en l’accompagnant durant les différentes étapes de son développement.

A l’âge adulte, il saura également faire face aux événements et situations difficiles. Cependant, lorsque l’enfant n’a pas été investi ou attendu (enfant non désiré ou conçu par accident) ni avant sa naissance ni après, son développement peut être compromis. Lorsque le vécu de la maternité ne correspond pas à l’idéal projeté lors de la grossesse, la mère fait face à une situation où la connexion à son enfant tarde à venir (Douville & al., 2023). Souvent la présence d’une dépression post-partum éloigne la mère de son enfant. Ce vécu inattendu favorise le cercle vicieux entre la volonté de connecter avec ce dernier, l’incapacité de le faire, le mal-être et le sentiment de culpabilité de ne pas pouvoir être une bonne mère pour lui. C’est cette indisponibilité de la mère à son enfant, dans les premiers mois de vie qui favorise le développement d’un attachement insécure (évitant et ambivalent).

Quand l’environnement familial est maltraitant (maltraitance psychologique (consciente/inconsciente) ou physique) envers l’enfant, c’est l’attachement désorganisé qu’il sera susceptible de développer. Cette indisponibilité parentale résulte des traumas non résolus des parents (Smith, 2021). Les symptômes de l’attachement insécure seront bien visibles à l’adolescence, période où les changements hormonaux et physiologiques s’ajoutent à la crise identitaire.

Cependant, la disponibilité parentale commence tout d’abord par la capacité des parents à reconnaitre et valider les émotions de leur enfant.

 

 

 

Trois types d’environnement familiaux participent à l’invalidation émotionnelle chez l’enfant (Ducasse & Brand-Arpon, 2017) :

 

1_ La famille n’encourageant pas l’expression des émotions :

L’émotion de l’enfant n’est pas reconnue ni encouragée. Parfois elle est réprimée : « Arrêtes de pleurnicher comme une fille! » lui crie t-on. Le ressenti de l’enfant n’est pas validé par ses parents ou proches.

2_La famille reconnait les émotions uniquement quand elles sont surexprimées : l’enfant n’est écouté dans ses demandes que quand son émotion est décuplée. Il apprend ainsi à faire des demandes en usant des émotions extrêmes (cris, pleurs, violences). Par exemple, se rouler au sol en criant et pleurant pour avoir son paquet de bonbons en plein milieu du supermarché qu’il finit par obtenir ainsi.

3_ La famille aux exigences extrêmes : Il est attendu de l’enfant un haut niveau alors que son état psychique n’est pas pris en compte. L’important aux yeux des parents c’est la performance et la réussite avec un niveau élevé sans prêter attention à l’état émotionnel de l’enfant. Il apprend ainsi que l’amour de ses parents est conditionné par la réussite sociale.

Il est important ici de comprendre que ces attitudes sont inconscientes et souvent bien attentionnées de la part des parents et de l’entourage de l’enfant.

Trouble de l’attachement à l’âge adulte

 

Connaitre son style d’attachement, c’est mieux se connaitre et mieux connaitre son prochain afin d’établir avec lui des relations sécures. En effet, le style d’attachement développé dans l’enfance sera la base sécure ou insécure qui se projettera à l’âge adulte dans la relation de couple.

Selon le psychologue et Docteur Marc Pistorio (2016), nous croyons avoir choisi notre partenaire amoureux car nous avons été attirés par son physique mais c’est beaucoup plus subtil que cela. En effet, les travaux mené récemment sur la neurobiologie de l’attachement révèlent l’impact des relations affectives et que notre cerveau est déjà programmé par le type d’attachement construit dans l’enfance, durant les deux premières années de vie. Si le sujet a développé un style insécure, il sera attiré par ce type car il va lui rappeler son histoire (sa zone de confort). C’est ainsi que se répète les schémas dysfonctionnels des couples insécures.

Tant que la prise de conscience n’a pas été effectuée, le schéma de répétition se poursuit avec les mêmes difficultés et échecs amoureux.

Combien de personnes ont prononcé cette phrase ? « Quand j’aurai mes enfants, je ne serai pas ainsi » et se surprennent plus tard adoptant les mêmes schémas !

 

 

Particularités des couples selon leur type d’attachement :

 

*Sécures : Ils ont une bonne stratégie de résolution des conflits, sont dans l’écoute réciproque, se remettent facilement en question, non pris dans leur ego en rejetant la faute sur l’autre.

*Anxieux/anxieux : C’est un couple dramatique, il a une mauvaise représentation de lui-même et de l’autre.

*Evitant/Evitant : ce couple vit moins de conflits car, c’est deux vies en parallèle. Il donne l’impression qu’il est heureux car ne se dispute pratiquement jamais mais souffre intérieurement en silence. Absence d’intimité.

Les conflits ne sont jamais résolus pour les évitants comme pour les anxieux mais pas pour les mêmes raisons.

Le but de la vie de couple n’est pas de vivre sans conflits mais de vivre les différences en sachant les conjuguer en développant des compétences pour les résoudre. Connaitre son type d’attachement et celui de son conjoint ou futur conjoint permet de triompher des conflits et des problèmes de communication en en diminuant la portée et l’intensité. Le lien amoureux peut ainsi prendre place dans l’équilibre d’une relation sécurisante et pérenne.

Bibliographie :

 

Ducasse, D., Brand-Arpon, V. (2017). Borderline, cahier pratique de thérapie à domicile, Odile Jacob.

Main Mary. De l’attachement à la psychopathologie. In: Enfance, n°3, 1998. L’attachement. pp. 13-27; doi : https://doi.org/10.3406/enfan.1998.3113

Smith, J. (2021). Psychothérapie de la dissociation et du trauma, 2ème édition, Dunod.

Pistorio, M. (2016). Dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es, Flammarion.

https://revueintervention.org/wp-content/uploads/2023/03/ri_hs2_2023.2_Douville_Martel.pdf

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